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La grande déprime

19 septembre 2011

Chapitre cinq

-    Je sais que cela va vous paraître bizarre, mais je peux le jurer devant vous. Je ne suis pas raciste !

Eric Besson répéta la phrase en détachant chaque syllabe.

-    Je ne suis pas raciste.

Emmanuel Leroy se tourna vers Lionnel Luca, qui à son tour regarda Philippe Olivier, enfin ce dernier lança un regard dubitatif à Emmanuel Leroy. Les trois seuls cadres à tendance « intello » du FR (France Renouveau, ex « les progressistes ») ressemblaient, à cet instant, plus aux Marx Brothers qu’à des anciens du GRECE, l’ancien Groupement de Recherche et d’Etudes pour la Civilisation Européenne.

-    Je ne peux pas être raciste, car ma mère était libanaise, ma femme est tunisienne et moi je suis né à Marrakech. On fait mieux comme race pure, non ?

Hésitant un instant, Philippe Olivier prit la parole pour les trois compères :

-    Mais cela nous va que vous ne soyez pas raciste ! On pourra ratisser plus large.

-    C’est ce que je me suis dit… Murmura Eric Besson.

Puis plus fort …

-    En fait, ce que tous ces cons de journaleux prennent pour de l’arrivisme, c’est juste de la tactique politique. La société est raciste et individualiste, et bien je surfe là-dessus. D’ailleurs, dans toutes les propositions « réac » qu’on entend en ce moment, je suis loin d’être le pire !

-    A côté de Guéant, nous sommes des petits joueurs… confirma le député Luca.

-    Oui, et d’ailleurs toi aussi à côté de tes ex copains Myard ou Ciotti, on ne t’entend pas beaucoup… lui dit Besson sur un ton du reproche.

-    Qu’est-ce que tu veux que je fasse ?

-    Ben, tu tapes sur les Arabes, les Roms, les basanés de toutes sortes.

-    Je croyais que tu n’étais pas raciste ?

-    Oui, mais il n’y a que vous qui le savez, ça…

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1 septembre 2011

Chapitre quatre

Le téléphone posé sur la table de nuit l’avait réveillé dans la nuit, malgré les puissants somnifères avalés quelques heures avant.
L’homme somnolant décrocha, mais ne parla pas, attendant d’entendre la voix de son interlocuteur.

-    Dominique ?

Dominique Strauss-Kahn ne reconnut pas la voix de l’homme, mais l’intonation et l’accent français le surprirent, lui qui n’avait plus beaucoup de relations avec l’hexagone.

-    Oui. Qui est à l’appareil ?

-    C’est Arnaud.

-    Arnaud ? Quel Arnaud ?

-    Arnaud Montebourg. Vous vous souvenez ? Je suis au P.S.. J’organisais la fête de la rose dans les années 2000.

Dominique Strauss-Kahn eut un léger soupire, mais le conseiller territorial de Bourgogne ne pût déceler si c’était de mécontentement ou de satisfaction.

-    Que puis-je pour vous Arnaud ?

-    J’aurai besoin de votre bénédiction pour mon programme économique.

-    Quoi ?

-    Je voudrais que vous avalisiez mon programme économique.

-    Etes-vous sûr que cela ne va pas plutôt vous desservir ?

L’ancien patron du FMI se décida à allumer sa lampe de chevet. La chambre à coucher de la clinique " Pine Grove  la bien nommée", comme avait titré le Canard enchaîné, était vaste et luxueuse. Il se leva lentement et commença à la traverser en largeur, le téléphone à l’oreille.

-    Et d’ailleurs, pourquoi je vous rendrais ce service ? Je crois me souvenir que vous ne m’aviez pas épargné à l’époque.

Ce que DSK appelait pudiquement « l’époque » couvrait presque quatre ans de turpitudes, de hauts et de bas, depuis ses déboires au Sofitel de New York. Au départ, il s’en était bien sorti avec aucune condamnation et surtout avait remporté un énorme succès international avec son livre confession en forme de clin d’œil : Comment draguer quand on est riche et célèbre. Ce livre était resté en tête des ventes pendant des mois en Europe francophone et sa version américaine -The french womanizer- avait donné lieu à une hilarante adaptation de Ben Stiller.

L’ancien directeur du FMI en avait profité pour laisser tomber la politique et vivait de ses droits d’auteur et de diverses missions de consultant qu’il vendait à prix d’or pour différents organismes. C’est lors d’une de ses missions qu’il effectuait pour le CREDOC au Cap d’Agde qu’il avait salement rechuté. La version édulcorée de la vidéo avait été vue sur YouTube ou DailyMotion par des millions de personnes et il n’était pas difficile de trouver la version hard sur le web. DSK avait alors fait des excuses publiques et s’était engagé à se soigner. Il était depuis six mois au Mississippi, à la clinique Pine Grove, spécialisée dans le traitement des addictions des alcooliques et drogués du show biz, ainsi que des obsédés notoires comme Tiger Woods ou Michael Douglas.

-    On pourrait s’entraider ? reprit Arnaud Montebourg sortant DSK de ses pensées.

-    S’entraider à quoi ?

L’ancien chevalier blanc du PS marqua un temps d’arrêt, semblant réfléchir.

-    A exister…

Celui qui représentait l’incorruptibilité en politique n’avait plus aucun rôle important au niveau national. Il s’était rendu compte trop tard que si les Français aimaient les hommes politiques vertueux dans les sondages, ils ne votaient jamais pour eux…


29 août 2011

Chapitre trois

-    Non, il n’y a que l’enfant de Carla qui est porphyrogénète, pas Louis Sarkozy… précisa Eric Zemmour en direction d’Alain Soral.

Tels des coqs, les deux stratèges de Marine Lepen rivalisaient d’érudition et faisaient étalage de leur culture à la moindre occasion, allant jusqu’à tordre ou arranger l’histoire de France en fonction de leurs idées réactionnaires. Mais leur inimité était si forte, que leurs brillants discours avaient tendance à s’annuler, puisqu’ils passaient leur temps à se contredire.

La secrétaire générale du PPN, le parti populaire national, en avait pris conscience lors des discours à l’enterrement de son père trois ans auparavant. Pourtant, très peu de nuances séparaient les deux hommes qui avaient le même égo surdimensionné et la nostalgie d’une France qui n’existait plus depuis belle lurette.

D’ailleurs cette dérive intellectuelle imposée par les deux hommes avait fait perdre  beaucoup de militants et de cadres du parti au profit de l’UMP, toutes tendances confondues, Copéiste ou Filiale (comme on surnommait l’UMP fidèle à Jean Sarkozy). Un sondage du Figaro qui n’avait, bien sûr, jamais été publié, démontrait que le plus grand aspirateur des voix PPN était Eric Besson et son groupuscule du FR (France Renouveau), devenu second parti de la droite de la droite, talonnant ainsi Marine Lepen.

-    De toutes manières, je te rappelle que Louis n’a que vingt ans et que c’est vingt-trois qu’il faut au minimum pour être Président… lança Soral, sûr de lui.

-    Ça suffit vous deux ! cria Marine de sa voix éraillée qu’elle n’avait jamais pu perdre depuis ses jeunes années de fêtarde au Stirwen ou  aux Chandelles de Carnac.

Un silence gêné s’installa. Elle les regarda dans les yeux l’un après l’autre puis d’une voix un peu doucereuse demanda :

-    Si je m’allie à Copé , vous en pensez quoi ?

Eric Zemmour ferma les yeux quelques secondes en signe de réprobation, tandis qu’Alain Soral tapotait nerveusement sur la table.
En leur for intérieur, ils étaient pour une fois d’accord. En cas d’alliance avec Copé, ils perdaient tous les deux leur job…

11 août 2011

Chapitre deux


Au sortir du studio de télévision, Jean Sarkozy envoya un SMS à son père avec juste écrit :

ALOR ???

Puis, il ferma son mobile, alors que son attaché de presse, Steevy Boulay, lui donnait une tape amicale dans le dos.

-    « T’étais trop cool ! Tu t’en es super sorti ! »

Jean Sarkozy se fit tout sourire.

-    « Merci à toi. Le choix de Laurent Ruquier comme journaliste, c’était une super idée. Par contre, tu n’as pas trouvé que Michel Drucker était un peu agressif à mon égard ? »

-    Non, j’ai pas trouvé. Tu sais, Michel est vieux et ne veut pas décrocher, alors il voit des complots partout. Il faudrait que ton père lui donne une médaille ou un truc dans le genre, ça le calmerait. Et puis cette affaire de forêt domaniale abattue pour sa piste d’hélicoptère l’a beaucoup affecté.

-    Ils sont décidément très cons ces écolos ! Ils ne comprennent pas qu’un arbre, ça peut repousser…

Steevy Boulay et Jean Sarkozy se mirent à rire de concert.

Laurent Ruquier, suivi d’une véritable cour de jeunes gens arriva à grands pas vers eux. Tous ses assistants étaient sous contrat très longue durée, proche de la quasi servitude, technique que l’animateur avait connue chez son premier producteur et mentor, le Canadien Gilbert Rozon.
Quand le chef parlait, personne ne bronchait. Et quand le chef avait décidé de faire la fête toute la nuit, tout le monde sortait. Heureusement avec l’âge, l’ancien Havrais préférait profiter de ses multiples propriétés et était devenu très « popote » et soirées entre copains.

-    Alors, cela vous a plu ?

Laurent Ruquier regarda plus précisément Jean Sarkozy à travers ses lunettes épaisses, attendant une réaction qui n’arrivait pas.

-    Il faut dire qu’on avait bien préparé l’ensemble avec votre directeur de campagne Manuel Valls…

-    Oui, merci Laurent. C’était très bien, mais c’est ce que je disais à Steevy, j’ai trouvé que Drucker était assez agressif, surtout quand il m’a demandé si j’avais un programme économique…

-    Oh, il ne faut pas en vouloir, c’est sans doute à cause de la piste d’hélicoptère dans le Canard Enchaîné.

-    C’est ce que justement je disais… acquiesça Steevy Boulay.

Le visage de Jean Sarkozy se ferma un peu.

-    Enfin, moi j’y suis pour rien pour son histoire de piste d’hélicoptère. Et puis, ce n’est pas ma faute, s’il y a des lois à respecter.

-    Comme disait Balkany ! Lança Ruquier, sûr de son bon mot.

La cohorte d’assistants et Steevy riaient déjà de la vanne, aussi Jean Sarkozy se sentit obligé d’en faire autant, mais en son for intérieur il n’aimait pas qu’on se moque de l’ami de la famille.

27 juillet 2011

Chapitre un

-    Putain, ça ne va pas être facile !

C’était un peu le cri du cœur de Nicolas Rossignol vers son patron. Jean-François Copé plissa des yeux, se toucha le menton presque subrepticement, puis saisit la télécommande pour éteindre l’immense télévision à écran plat de son bureau.

L’éternel chef de file des députés de droite prit une voix grave.

-    Il a été très bon, il faut l’admettre… Pour son jeune âge, il est très calme, très posé, plus que son père au même âge…

Il se leva, marcha doucement en tournant le dos à sa petite bande de fidèles.

-    Il a un discours un peu social, il faudrait se démarquer de son image presque centriste.

Jérôme Lavrilleux se leva à son tour en s’exclamant :

-    On a qu’à l’attaquer sur sa droite en inventant une nouvelle loi sur l’immigration ?

Au hochement de tête, même de dos, l’assemblée comprit que Jean-François Copé était dubitatif.

-    Non, non. Depuis que son père lui a refilé Guéant et Hortefeux à son cab, ce petit con est paré à droite. Guéant s’apprête même à proposer une loi obligeant les travailleurs immigrés à rejoindre un camp fermé après leur travail. J’ai déjeuné avec Marine et Zemmour hier midi et même eux ne savent pas quoi faire. Impossible de surenchérir là-dessus.

Ce fut au tour de Nicolas Rossignol de se lever et de rejoindre son patron.

-    Il fait vraiment chier Guéant. Il devrait être à la retraite ! En plus, depuis que sa loi sur la suppression du regroupement familial est passée, il ne se sent plus pisser.

-    Et si on l’attaquait sur le pédé qui l’accompagne partout et qui s’occupe de sa communication ?  lança Jacques Myard, l’indéboulonnable député-maire de Maisons-Laffitte qui semblait se réveiller d’un somme, les mains posées sur son ventre replet.

Nicolas Rossignol regarda Myard avec un air de dédain :

-    Ne dites pas n’importe quoi ! Des pédés dans la com, c’est comme dans la mode ou la télé, il y en a plein. Et en plus, c’est risquer un procès en diffamation.

Ces deux-là ne s’aimaient guère et cela se voyait tout de suite.

Jacques Myard se renfrogna :

-    Oh, je disais ça pour aider à trouver des pistes, c’est tout !

Jean-François Copé se sentit obligé d’intervenir :

-    Je me méfie beaucoup de l’électorat pédé, surtout dans les grandes villes. Je ne peux pas me permettre de me le foutre à dos.

Myard éclata de rire.

-    Attention de ne pas trop te les mettre à dos… Ah, ah, ah…

-    T’es lourd, Jacques ! Cingla Copé avant de reprendre.

-    Sérieusement, les gays c’est un peu comme les chasseurs de l’époque Mittérand ou Chirac.

-    Sauf que les chasseurs ne représentent plus rien… dit Myard avec un air sérieux, essayant de rattraper le coup en se faisant passer pour un fin analyste politique.

Jean-François Copé se tourna vers Jérôme Lavrilleux.

-    Jérôme, on va faire comme le fils Sarko. Il faut que tu me trouves un pédé à mettre dans l’équipe de campagne. Même une folle, ce n’est pas grave, c’est juste pour quelques mois. Il faudrait même qu’il soit assez voyant. Il n’y en avait pas un dans les employés des parcs et jardins de Meaux ? Tu demanderas à Nelle Peveri.

Jérôme Lavrilleux sembla réfléchir un instant.

-    Et une lesbienne ?

-    Bof ! C’est moins voyant, non ?

-    Celle-là, c’est une ancienne sportive de haut niveau. Et elle vous a toujours soutenu.

-    Ah, bien… fit Copé visiblement peu séduit par la proposition de son directeur de campagne. Elle est d’où ?

-    De Saint-Quentin.

-    J’espère que ce n’est pas un sous-marin du gros Bertrand ?

-    Non, non. Elle était plutôt de gauche avant.

Jean-François Copé regarda toute son équipe et dit en souriant :

-    C’est pour ça que j’ai toujours préféré les sportifs aux artistes. Même gays ou lesbiennes, les sportifs finissent toujours à droite, alors que les artistes restent d’invétérés gauchistes toute leur vie. C’est parce que les sportifs ont le goût de l’effort. Et l’effort, c’est de droite ! La gauche, c’est l’assistanat, le RSA et la flemme…

L’assistance se regarda bouche bée par la justesse du propos. Ils faillirent presque applaudir leur champion, mais se ravisèrent car Jean-François Copé n’aimait pas les flagorneurs.

©Butin Rabussy 2011

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  • Nous sommes en 2017, la campagne présidentielle française bat son plein. Les différents camps fourbissent leurs armes. Chaque mois au minimum, vous découvrirez un chapitre de ce roman de politique fiction de Butin Rabussy.
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